« Un flic dans la brume » de Rémy Borel

Dans un Paris sous l’occupation, un jour de juin 1940, l’auteur nous plonge dans le quotidien d’un inspecteur de Police nommé André Michel, chargé d’enquêtes auprès de la Brigade de Voie Publique à Paris. Dans ce roman historique, il interroge la conscience professionnelle du policier dans les moments de doute démocratique. Entretien.

 

 

En quelques mots, quel est votre parcours ?

Je suis titulaire d’une maîtrise d’Histoire contemporaine à Paris IV à la Sorbonne. J’ai ensuite souhaité passer des concours dans la fonction publique et j’ai obtenu celui d’inspecteur de Police en 1994 (NDLR : ce fut la dernière promotion *).
À ma sortie d’école, j’ai été affecté au commissariat des Lilas (93) et par la suite, en 1997, j’ai intégré la brigade des mineurs à l’antenne La Courneuve. Depuis 2005, nos services ont été regroupés ici à l’hôtel de Police de Bobigny.
Successivement enquêteur, chef de groupe et adjoint au chef de brigade, je suis depuis janvier 2015 commandant de Police, chef de la brigade des mineurs en Seine-Saint-Denis.
J’effectue régulièrement des interventions auprès des polices étrangères ou des institutions partenaires pour évoquer les missions du policier au sein de la brigade des mineurs, ce travail d’investigation qui me passionne avant tout.

* Dans le cadre de la réforme des corps et des carrières qui fait suite à la loi Pasqua du 21 janvier 1995, le corps des inspecteurs de police (policiers en civil) a disparu. Le nouveau corps de commandement de la police nationale est alors créé avec une nouvelle appellation pour les officiers qui la composent : lieutenant, capitaine et commandant de police ;

 

Comment avez-vous eu l’idée d’écrire cette histoire ?

C’est en quelque sorte un fil rouge qui m’a conduit à rédiger ce livre.
Mon entrée dans la Police coïncidait avec la date anniversaire des 50 ans de la Libération de Paris. En tant que policier ayant suivi des études d’histoire, je m’y suis intéressé.

 

« Mon livre est davantage un roman historique qu’un roman policier. »

 

Aujourd’hui, nous vivons dans une période démocratique mais quid de cette période 39-45, où tous nos repères démocratiques étaient perdus.
L’idée de ce livre a donc germé au fil des années. Évoquer cette période à des collègues et amis, m’a incité à écrire et il a fallu trouver une trame avec des faits marquants.
Passionné par l’Histoire, j’ai commencé à lire des ouvrages qui évoquaient cette époque, notamment ceux de l’historien Jean-Marc Berlière ou des livres sur la pègre. Un moment marquant a eu lieu, en 1995, avec le discours du Président de la République Jacques Chirac qui évoquait la responsabilité de la France dans la déportation, et plus particulièrement du « Vel d’Hiv ». On a tous un lien direct ou indirect avec des personnes qui ont connu de près ou de loin cette période historique.
En s’appuyant sur toutes ces anecdotes et sur la rédaction des fiches, on réalise alors un plan détaillé et on se lance dans l’écriture.

 

Pourquoi choisir cette date du 23 juin 1940 ?

Cette date correspond à la visite express et humiliante d’Hitler à Paris après la défaite de la France en juin 40 où l’armée allemande l’emporte sur la France et ses alliés. L’armistice du gouvernement français est signé le 22 juin. Hitler fait alors le tour de Paris et des lieux mythiques de la Capitale.
Ce sont des images qui marquent et notamment celle où Hitler est devant de la Tour Eiffel embrumée tôt le matin. Mon roman débute ici et mon personnage principal apprend qu’Hitler arrive à l’aéroport du Bourget. Il prend alors la décision de le suivre à vélo pour décrire ce qu’il voit et faire une sorte d’état des lieux.

 

Paris sous l’occupation reste difficile à raconter. Est-ce le lien entre votre métier de policier et votre maîtrise d’histoire qui vous a aidé à mettre en lumière cette période historique ?

Mes études d’histoire m’ont permis d’avoir de la matière, de la documentation et une technique pour cibler les ouvrages traitant de cette période. Cette recherche d’informations a été essentielle dans la réalisation des fiches et a facilité la rédaction de mon livre. De plus, ma qualité d’enquêteur m’a été utile pour rédiger le roman et présenter en détail le métier de policier.
Mon métier me passionne et j’essaie, à travers ce personnage, de retranscrire la « substantifique moelle » de l’investigation à la française, qui finalement n’a pas tellement évolué, la méthode de travail restant sensiblement la même.

 

Pour écrire ce livre des recherches historiques ont-elles été nécessaires ?

J’ai lu beaucoup de livres qui décrivent la France sous l’occupation, sur la vie quotidienne, le travail de policier. Je me suis appuyé sur les historiens les plus compétents sur cette période.

 

Dans votre roman et dans le travail de policier au quotidien en 1940, vous évoquez les moments de doutes démocratiques lors de l’occupation et le problème du policier « résistant ». Pouvons-nous parler de complexité pour exercer le métier à l’époque ?

C’est un inspecteur de la Police Judiciaire, affecté à la brigade de voies publiques et il dépend de la préfecture de Police à Paris. Cette brigade existait à l’époque – ses locaux étaient situés au 36 quai des Orfèvres – et enquêtait sur les braquages et escroqueries. Dans ces services de police, mon personnage principal croise de nombreux policiers indécis, mais aussi certains qui sont entrés dans la résistance et d’autres qui ont passé le pas pour devenir des collabos.
André Michel refusera à sa façon de collaborer et il accomplira des missions qui peuvent s’apparenter à de la résistance, mais il n’avait pas l’étoffe pour devenir un héros.

 

« Mon personnage fait partie de ces hommes qui ont été écrasés par l’Histoire »

 

« Un flic dans la brume », de Rémy Borel, Édition Sydney Laurent, 282 pages

« Un flic dans la brume » vu par Rémy Borel

 

  • Le pitch du livre en une phrase

Toute la difficulté d’être un homme ordinaire dans une période qui ne l’est pas et qui écrase tout sur son passage

  • Si vous deviez décrire votre personnage en quelques mots :

Honnête, compétent et « né à la mauvaise période »

  • Vos inspirations ?

Jean-Marc Berlière, historien français, spécialiste de l’histoire des polices en France et professeur à l’Université de Bourgogne

  • Conseils à un(e) policier(e) qui souhaite se lancer dans l’écriture d’un livre

C’est plus une constatation que je peux exprimer, car beaucoup de collègues écrivent déjà des livres et notamment dans le domaine du roman policier.
Si vous avez une idée et que vous prenez du plaisir à écrire, que vous êtes à l’aise, il ne faut pas hésiter à se lancer sur quelque chose qui vous passionne.