Raymond Boithias, le centenaire de la Crim’

Nous avions évoqué, l’an dernier, les moments phares de sa longue carrière professionnelle : Raymond Boithias, doyen de la brigade criminelle de la préfecture de Police, nous a quittés ce 14 juillet 2021. Pour lui rendre hommage, nous vous proposons de redécouvrir son riche parcours.

 

Né en 1920, je suis le doyen de la brigade criminelle ! A l’époque où je suis entré à la Crim’, je n’avais pas le téléphone : je ne l’ai installé qu’en 1962. Quand il y avait une « affaire » à prendre la nuit, une équipe de police-secours venait frapper chez moi pour me dire que je devais me rendre sur les lieux d’un crime. Les téléphones portables n’existaient pas et pour appeler le service quand nous étions sur le terrain, il fallait entrer dans un café ou un commissariat.

Raymond Boithias en quelques dates :

 

  • 1941 : entre à la préfecture de police comme inspecteur spécial de police en commissariat
  • 1946 : intègre la brigade criminelle (section des agressions)
  • 1957-1962 : chef du groupe chargé des enquêtes criminelles et des affaires de faux
  • 1970 : nommé commissaire, chef adjoint de la brigade criminelle
  • 1974 : chargé de mission à l’Etat-major de la direction de la police judiciaire parisienne 

 

Les moyens du bord

Avant les années 60, nous n’avions pas non plus beaucoup de véhicules à la Crim’, à part la voiture du patron Max Fernet et une quatre chevaux. Nous devions faire appel au pool de voitures avec chauffeurs qui stationnait devant l’entrée du « 36 ». Au début de ma carrière, en commissariat, le secrétaire du « patron », qu’on appelait le « chien du commissaire », rédigeait les procès-verbaux à la main et ses écrits étaient polycopiés. Quand j’ai débuté à la Crim’, nous écrivions nos rapports à la main et un pool de dactylographes les recopiaient à longueur de journée sur leurs machines à écrire.

Dans les années 1960-1970, nous avons obtenu des machines à écrire électroniques sur lesquelles nous tapions à deux doigts : il ne fallait pas se tromper de touche car on ne pouvait pas effacer. On intercalait trois à quatre feuilles de papier carbone pour avoir des copies. Les ordinateurs sont arrivés après mon départ de la Crim’. Quant aux moyens d’enquêtes, nous ne disposions que des empreintes digitales et de nos cerveaux : les traces d’ADN n’étaient pas relevées !

 

Voitures de fonction (Traction Avant Citroën) dans la cour du 36, quai des Orfèvres (1950)

Une vie d’aventures

Les dimanches, Noël et Nouvel An, nous pouvions en être privés pour traiter une affaire quand nous étions de permanence. Au-delà de l’horreur des scènes de crime, le plaisir de l’enquêteur consistait à expliquer des scénarios parfois incompréhensibles. Chaque affaire était comme une partie de chasse : chaque fois qu’on partait en dérouille (ndlr : se rendre sur les lieux d’un crime lorsqu’on vient d’être saisi d’une enquête), on ne savait pas si on parviendrait à élucider ou non l’énigme. Lorsque je n’avais pas eu d’affaire depuis longtemps, j’étais en manque, c’était comme une drogue.

Grâce à la Crim’, j’ai aussi fait des rencontres insolites, car mon groupe était également chargé de traiter les affaires de faux : j’ai croisé Vlaminck, Picasso, L’Utrillo et Chagall pour leur demander s’ils étaient ou non l’auteur de tableaux saisis au cours d’enquêtes…

(Extraits de Liaisons n°105 : 1912-2012 : dans les coulisses de la Crim’)

 

Prise de notes par un chef de groupe de la Crim’ après le meurtre d’un agent de change