« La fosse aux âmes » de Christophe Molmy

Après ”Les Loups blessés », « Quelque part entre le bien et le mal” et “Après le jour”, Christophe Molmy revient avec un nouveau roman “La fosse aux âmes” dans lequel Fabrice, jeune parisien, réchappe d’un attentat perpétré dans un cinéma dans lequel sa compagne va y laisser la vie. Plongeant au cœur de la psyché de Fabrice, l’auteur nous plonge dans le lent processus de reconstruction, les crises de stress post-traumatiques et le sentiment de culpabilité qui l’assaille. Heureusement, celui-ci rencontre une autre femme, son ange gardien, mais celle-ci disparaît subitement et Fabrice se retrouve accusé, nous suivons alors le destin d’un homme toujours au bord du précipice.

 

En plongeant dans ce livre, et notamment son chapitre inaugural, on ne peut s’empêcher de penser à votre propre histoire personnelle et vos fonctions au moment des attentats de 2015. Quelle a été la genèse de ce nouveau roman ?

 

Je ne voulais pas parler de l’intervention des policiers mais évoquer le point de vue des victimes. J’avais besoin, plus ou moins consciemment, d’expulser quelque chose. Donc je voulais le faire de cette manière.

 

J’ai écrit “La fosse aux âmes” à la faveur du confinement. Je mets habituellement beaucoup plus de temps à écrire, mais là, comme tout le monde, je tournais en rond ! Cela m’a permis de jeter les premières bases de l’intrigue et d’aller infiniment plus vite. A la différence des 3 romans policiers précédents où j’avais écrit l’histoire à l’avance, cette fois je me suis laissé porter par l’histoire.

 

A l’origine, je voulais faire survivre quelqu’un à cet attentat, alors que j’ai pu connaître des gens malheureusement décédés dans ces circonstances. Là, je souhaitais vraiment qu’il survive. Il fallait un trauma très fort pour bien souligner le syndrome post-traumatique, la résilience, etc. Pour moi, la description de l’attaque est davantage un moyen qu’une fin en soi. J’avais besoin de planter le décor pour contextualiser le reste après, en faisant survivre ce type qui est à des années-lumière de cela : ça n’est pas quelqu’un qui vit dans la violence, qui y est confronté comme peuvent l’être les policiers, les pompiers ou les médecins.

 

Vos récits sont très réalistes, votre style est efficace et direct.
Vous nourrissez-vous de votre carrière, des rencontres avec les victimes et les auteurs, pour construire certains de vos personnages ?

J’ai rencontré beaucoup de victimes d’attentats, à l’étranger notamment. Ce sont les mêmes symptômes qui reviennent, le stress post-traumatique, la même détresse, la même douleur. C’est un angle qui m’intéressait. A la base, il y a toujours un côté cathartique à écrire. J’avais besoin d’écrire quelque chose, c’est certain mais je ne souhaitais pas raconter ce que nous avions pu vivre lors d’attentats.

 

Souvent, dans des romans, il y a plusieurs points de vue et plusieurs angles ; dans celui-ci, il n’y en a qu’un. C’est un seul personnage qui vous immerge dans son histoire. Il n’y a pas numéros de chapitres, donc ça ne séquence pas la lecture, ce qui emporte dans le mouvement. C’est un roman plus expérimental, moins structuré, moins encadré ; j’ai laissé libre court à une sorte de spontanéité dans l’écriture.

 

Peut-on, selon vous, qualifier cet ouvrage de roman policier bien que le héros ne le soit pas ?

Non, je ne pense pas que ce soit un roman policier, il n’y a pas réellement d’histoire policière, il y a un traumatisme très fort.
Ça n’est pas, contrairement à ce que j’ai pu voir écrit, un roman noir non plus, je le trouve très lumineux puisque il y a aussi une histoire d’amour qui est le moyen pour ce personnage de s’élever, de surpasser ce qu’il a vécu et la douleur est encore plus forte quand il perd cette femme. Le sujet tourne beaucoup autour de son intimité avec cette femme. De même, on n’aborde pas les mécanismes d’une enquête policière, il n’y a pas d’enjeux à ce niveau-là. Pas du tout.

 

« La fosse aux âmes » est votre quatrième roman. En tant qu’écrivain, avez-vous des rituels avant d’entamer l’écriture d’un ouvrage ?

Ce qui est important pour moi – et je ne suis pas un pionnier – c’est qu’il faut savoir de quoi on va parler, quel va être le levier : un indic’ qui est tourmenté et qui vrille un peu ? Une histoire d’attentat ?

 

Il faut une histoire de fond. Ensuite, on va installer les personnages ; on fait ce que l’on appelle des “bibles” : sur une page, on inscrit le nom, la taille, on le décrit. Parfois, l’écriture peut prendre deux ans. Lorsque vous arrivez à la fin, vous ne vous souvenez pas forcément des premiers chapitres. Pour garder un ancrage tout au long du roman, il est important de ne pas se contredire et dire, par exemple, qu’un personnage est marié alors qu’il était célibataire.

 

Souvent, la première idée pour moi, c’est un chapitre qui est un peu la pierre angulaire ; pas forcément le premier ou le dernier : un chapitre qui m’inspire plus que les autres et je construis autour de ça. Une fois que vous avez tout cela, il faut segmenter par parties puis par chapitres. Pour ce roman, j’ai procédé différemment et me suis laissé guider. Mais sur les autres romans, comme il y avait parfois beaucoup de personnages qui s’entremêlaient, j’avais besoin de recul, on écrit un synopsis par chapitre et il y a un personnage fort par chapitre dont on narre l’action et ce qu’il y a dedans, puis chapitre par chapitre etc.

 

Est-ce que vous avez des inspirations, des écrivains peut-être un conseil lecture à donner aux lecteurs du blog ?

Je vais vous décevoir mais je lis peu ! Avec le travail et la famille, j’écris très tard le soir ou le week-end ou en congé, ce qui ne me laisse pas beaucoup de temps de lecture. C’est essentiellement pendant les grandes vacances où je profite de compiler les bouquins qu’on a pu me transmettre. Je ne viens pas d’une famille qui lisait beaucoup, je suis plutôt un autodidacte !

 

Pour les romans policiers, et dans une certaine mesure pour le dernier, mon inspiration vient principalement d’affaires et de situations que j’ai vécues ou que l’on m’a racontées. Je les ai assemblées pour en faire une histoire. Tout ne tourne pas autour de moi, il y aussi des affaires de collègues mais toujours des choses réelles : car il y a toujours une situation professionnelle que vous avez vécue et qui vous a marquée plus qu’une autre.

 

« La fosse aux âmes », de Christophe Molmy, Édition de La Martinière, 304 pages