A LIRE : « Surdose » d’Alexandre Kauffmann

Les Stups dans le sang

Alexandre Kauffmann, reporter et romancier, a eu la chance de suivre pendant un an l’unité d’enquête « Surdose » de la brigade des stupéfiants de la police judiciaire. De cette immersion singulière et unique en son genre de par sa durée, et tout juste avant le déménagement du 36 Quai des Orfèvres aux Batignolles, Alexandre Kauffmann relate avec une plume toujours juste le quotidien sans fard de policiers passionnés par leur métier et au terrain ; il dresse aussi au détour des investigations le portrait de malheureux consommateurs et de leurs dealeurs. Une non-fiction passionnante.

Comme le précise la note de l’éditeur en quatrième de couverture: «Ce livre est un polar, et pourtant tout est vrai»… Á la façon d’un documentaire (embarqué), le style en plus, Alexandre Kauffmann plonge son lecteur dans la réalité d’une unité spécialisée : le groupe Surdose de la brigade des stupéfiants, chargé d’enquêter sur certaines morts par overdose. Entre roman et carnet de bord, les pages relatent le quotidien des sept flics soudés qui constituent cette unité. Des scènes de crime aux auditions en passant par les « filoches », les planques, les « perquises » et les interpellations, le journaliste s’est pris au jeu de l’enquêteur, adoptant non sans déplaisir le jargon « local », découvrant au fil des jours un univers passionnant malgré la noirceur des faits.

En l’espace de seize chapitres aux titres évocateurs : «Les crapauds, Cocaïne call center, la valse des pochons…», A. Kauffmann dresse par le prisme du fait divers un tableau sur la situation de la consommation parisienne avec ses diverses drogues et substances en vogue. Il esquisse au passage le profil très varié d’«utilisateurs» au sort parfois funeste : «Hier encore, dans les années quatre-vingt-dix, les toxicomanes décédaient le plus souvent dans les caniveaux, il s’agissait de marginaux ou d’héroïnomanes. Désormais, les overdoses se passent dans les appartements et concernent des personnes plutôt bien insérées et touchent tous les milieux».

Grâce à son caractère intimiste, le récit dépasse l’anecdotique pour toucher du bout du doigt avec beaucoup de pudeur les faiblesses des uns et des autres, ici les addictions aux drogues.
C’est également un témoignage plein de bienveillance envers des policiers qui n’hésitent pas à plonger dans les profondeurs de l’âme humaine.

« Les membres du groupe Surdose sont invisibles. Ils suivent les suspects, notent leurs habitudes, interprètent leur comportement, devinent leurs intentions, puis couchent ces renseignements par écrit, comme le fait un romancier avec ses personnages. Les policiers, eux, s’emploient à dévoiler une œuvre qui existe déjà. »

Surdose d’Alexandre Kauffmann,
275 pages, 17 euros,
Éditions Goutte d’Or
En librairie depuis le 15 février